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Sur l’ancienne piste du facteur, délivrant secrètement le courrier parfumé d’une jeune valloirinche amoureuse d’un beau valmineux charpenté… « Romance en forêt guérit de l’onglet ». (dicton mauriennais)
En montant à Valloire, vous avez sans doute gravi en voiture, dans la peau des coureurs du Tour de France, le col du Télégraphe, dont les lacets serpentent à travers la forêt. Vous êtes-vous demandé quelle est l’origine du nom de ce col ? Le télégraphe, dont le nom signifie « écriture à distance » est un mode de communication par signaux inventé sous la Révolution par Claude Chappe. Un chemin partant du Col vous mènera d’ailleurs, quelques centaines de mètres plus loin, au fort du Télégraphe, où a été installé pour commencer ce système optique, qui servit pour la première fois à annoncer la naissance de l’Aiglon, fils de Napoléon Ier. Mais pour les Valloirins, ce lieu est plus connu sous le nom de Pas de l’Eveillon, un site offrant une vue imprenable. Voilà pourquoi Azize vous invite à recevoir ce télégramme dans la forêt.
Mais plutôt que de se diriger vers le fort, le guide vous propose de partir vers les Trois Croix, en traversant la forêt du Télégraphe. Le sentier est très agréable et peu pentu. Avec un peu d’imagination, les amoureux songeront que le facteur empruntait autrefois ce chemin, entre Valloire et Valmeinier, pour délivrer discrètement le courrier parfumé d’une jeune Valloirinche amoureuse d’un beau Valmineux charpenté. Un dicton mauriennais ne dit-il pas « Romance en forêt guérit de l’onglet » ?
Surtout, vous partirez aussi sur les traces des contrebandiers. Nous parlons des Trois Croix, mais la chapelle qui s’y trouve est plutôt placée sous l’invocation de Notre-Dame de la Via, protectrice des chemins. Car le modeste bâtiment se situe à l’intersection de plusieurs voies de communication. On raconte qu’un jeune contrebandier, exerçant cette activité dangereuse mais lucrative pour la première fois, parti faire des affaires dans le Piémont, fut puni pour son avarice. Il n’avait déposé qu’une pièce, et non deux comme le lui avait ordonné son père, dans le tronc de la chapelle, préférant économiser pour se payer à boire. Parvenu au col des Trois Croix, au terme de son voyage, il tomba sur un douanier chargé de prévenir toute fraude. Pour fuir cet ennemi juré des contrebandiers, qu’ils défient comme les voleurs les gendarmes, le jeune homme, en faute envers la loi et envers Dieu, dut abandonner un des deux sacs de riz rapportés du Piémont, car ce chargement était trop lourd. La Vierge avait donc rendu au fugitif la monnaie de la pièce déposée dans le tronc, lésant le contrebandier imprudent de la moitié de son butin. Cette histoire amusante nous amènera donc, à travers la forêt, jusqu’au col des Trois Croix et à sa chapelle.
Nous scruterons sans doute, tout au long du parcours, les empreintes laissées dans la neige par les animaux. Elles sont abondantes et Azize est là pour vous aider à les identifier. Vous deviendrez ainsi, le temps d’une promenade facile, des trappeurs et des chasseurs, non pas de gibier mais d’images. Si vous avez de jeunes enfants, qui seront les bienvenus, amusez-vous à leur faire croire que les empreintes sont celles d’un loup caché derrière les arbres. Croyez- en mon expérience, cela fonctionne.
Cette randonnée en raquettes avec Azize vous permettra donc de suivre quatre pistes : celle de la grande histoire locale, attachée au fort du Télégraphe, célèbre pierre forte de Savoie, et au mode de communication à distance inventé par Claude Chappe ; celle, plus fantaisiste, du facteur portant, d’une vallée à l’autre, des billets doux ; celle des contrebandiers (cette activité hivernale était loin d’être anecdotique à Valloire) et de leurs ennemis jurés les douaniers ; enfin, celle des animaux sauvages qui ont fait de la forêt leur domaine, alimentant certaines peurs enfantines. Il y en a donc, une fois de plus, pour tous les goûts dans cette forêt du Télégraphe.